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L’amour des règles. La compétition avait été suspendue, puis annulée. Il pleuvait des cordes depuis des heures et les green-keeper n’étaient pas parvenus à chasser l’eau qui s’accumulait sur les greens. La plupart des joueurs étaient rentrés chez eux ou à leur hôtel mais moi, je traînais au club house de ce grand terrain de golf du nord de l’Italie. Un vrai club house, je veux dire une demeure où les murs dégagent toute l’histoire du club et où l’on se sent « chez soi ». Des bûches flambaient dans la cheminée pour chasser le froid et l’humidité qui nous collaient aux os. Dans un coin, quelques fauteuils assez usés pour témoigner de leur confort. Je disparaissais dans l’un d’eux pour penser à mon grip. Au trou numéro deux, le club m’avait échappé pour aller finir plus loin que ma balle. Signe de tension, je le serrais trop. D’un geste automatique, je joignais mes mains pour trouver la bonne prise autour d’un club imaginaire. Derrière moi, une dame parlait à un vieux monsieur. Des bribes qui me parvenaient de leur conversation, je compris que la discussion évoquait les règles et attitudes à adopter sur un terrain. Histoires à endormir. Mes paupières commencèrent à peindre le mur d’en face. Je crois que je me suis assoupi et je ne sais pas si ce récit, je l’ai entendu ou rêvé. Une voix de femme racontait : « J’ai commencé à jouer au golf à 26 ans sans grand enthousiasme, pour faire quelque chose de différent. J’étais en vacance à St Georges et, traînée par des amis golfeurs confirmés, j’ai essayé de frapper quelques balles. Je n’éprouvais pas beaucoup de plaisir à m’essayer à un « jeu » qui pour moi, compétitrice dans l’âme, n’était susceptible de donner aucun frisson. Pas besoin de courage, aucun adversaire à battre et je n’avais pas l’impression qu’une préparation spécifique était requise : enfin, je le considérais comme un jeu pour « vieux » snobs. Et je ne me sentais pas encore vieille. Cependant j’ai continué et en peu de temps, je me suis retrouvée nourrie d’ambitions et animée d’une grande envie de gagner. La passion grandissait et j’ai commencé à dévorer livres et histoires. Je me rendis compte que le golf n’était pas uniquement fait de swing, mais aussi de traditions, de comportements et de « règles ». Je me laissais progressivement séduire et fis alors un constat essentiel : le vrai golfeur sait unir la capacité à frapper la balle aux « règles ». Sans elles, on ne peut pas dire qu’il joue au golf. On peut dire qu’il frappe plus ou moins bien, qu’il fait un draw ou un fade, mais pas qu’il joue au golf ». Un joueur qui se déclare coupable d’avoir bougé la balle est perçu comme un éléphant rose. Pourtant, il ne peut exister de « bon joueur » qui ne connaisse ou n’aime les règles autant que son swing, qui ne respecte le jeu de son adversaire autant que le sien. Moi, j’ai eu la chance d’avoir un bon professeur qui m’a amené sur le terrain en me faisant comprendre que j’étais à l’aube d’une aventure émotionnante. Je craignais d’abîmer, par mon comportement et mon ignorance, quelque chose de presque sacré, dont le lieu de vie et d’exploration était le terrain de golf. Le green m’apparaissait comme un précieux tapis persan à qui, pour le seul fait de pouvoir le fouler, je devais reconnaissance mais aussi respect. Aujourd’hui, je transfère cette passion dans mon travail. J’aime et espère transmettre à mes « membres » la magie et l’émotion que je ressens dans le jeu du golf. J’ai de la sympathie non pas pour ceux qui me demandent quel est le driver ou le putter qu’ils doivent acheter pour mieux jouer, mais pour celui qui veut savoir si faire ceci ou cela est permis, si le drop effectué est correct ou quelle est la règle qu’il faut appliquer dans telle situation. Mon cœur se gonfle et je pense qu’il est sur le bon chemin pour devenir un vrai joueur de golf. Oui, j’aime le golf, les règles et l’étiquette Je n’apprécie pas les joueurs arrogants qui, se croyant « bons » ou meilleurs que les autres, donnent à tous des conseils. Je n’aime pas davantage les joueurs néophytes qui croient tout savoir de ce sport si complexe, dont la vraie approche nécessite avant tout d’en comprendre l’âme. J’ai sursauté, sans doute repris par le froid. Il n’y avait plus de bûches dans la cheminée, le club fermait. Le vieux monsieur s’était levé, il serrait chaleureusement la main de la dame et la remerciait. J’ai cru comprendre qu’il était journaliste et que son interlocutrice, ancienne championne d’équitation et de ski, était la secrétaire sportive du club. En marchant vers ma voiture, j’entendais encore résonner en moi ces quelques mots : au golf, jeu, règles et étiquette ne font qu’un. |
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