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Le dernier match
Aux amateurs de gymnastique cérébrale qui comprennent l’anglais, je recommande de suivre les nouvelles sur CNN. Le cerveau y est soumis à un exercice bénéfique car pendant qu’il écoute et regarde le présentateur, le téléspectateur est invité à capter avec son œil gauche les messages « catastrophe » de la planète en sous -titres et, pour vérifier son état d’éveil, flasher avec l’œil droit les pop up des grands points. J’ai toujours cru à un subterfuge pour coller l’auditeur à l’écran (il faut bien une heure pour appréhender des yeux et des oreilles toutes les informations) mais la vérité est qu’il m’a fallu moins d’une seconde pour saisir l’annonce de l’hospitalisation de Severiano Ballesteros pour une tumeur au cerveau. « Papa pourquoi t’es triste, qui c’est Ballesteros ? » me demande mon fils. Comment lui expliquer en quelques mots que si Tiger Woods (j’connais papa !) a rendu le golf universel, si Arnold Palmer avant lui (c’est qui Palmer papa ?) a rendu le golf populaire, c’est bien Ballesteros qui a porté le golf européen à son sommet par son jeu spectaculaire, et en inventant des coups de golf incroyables qui lui ont permis d’atteindre des résultats extraordinaires. En ce temps-là , le dernier jour des tournois , « le » champion ne s’habillait pas en rouge mais en bleu. « Tu comprends pourquoi, mon fils, les sacs pro « TADD » sont en bleu et lettrés en blanc, couleur fétiche de Ballesteros? » A 19 ans, cet artiste espagnol est venu bousculer ma vie et influencer mon golf avec sa manière de survoler les fairways en marchant dix centimètres au-dessus du gazon. Vaillant chevalier de mon époque, après avoir enfilé une longue ficelle qui sciait le dernier adversaire, il réglait son compte au trou en lui portant du putter tendu l’estocade finale. Et de ce geste dramatique mais tellement naturel chez lui, il scellait une nouvelle victoire qui nous faisait hurler d’enthousiasme. « Olé ! » En 1984, à St Andrews, tout le Royaume-Uni tomba à genoux devant ce preux guerrier lorsqu’en rentrant le dernier putt qui lui assurait son deuxième Open, il rugit sa joie en martelant l’air de son poing fermé.
l n’y a pas si longtemps, 20 ans à peine, il m’avait invité à passer quelques jours chez lui à Pedrena. J’ai joué sur le golf qui l’a vu grandir et, muni du fer 8 de la série qu’il avait utilisée pour gagner son Open, j’y ai même réalisé un trou en un. Un peu de magie était sans doute resté collée au grip… En 2007, « Seve » annonça sa retraite et tous les médias en firent leur couverture. La revue espagnole Andalucia Golf titrait « ADIOS AL MEJOR » et le rédacteur en chef ouvrait son éditorial par ce titre sans équivoque : « Simply the best ». Son texte nous apprend que quelques années plus tôt, il lui avait demandé pourquoi il ne s’était pas retiré avant que son jeu ne commence à décliner. A quoi il avait répondu : « Parce que le golf est ma vie et pour moi la compétition est comme l’air qu’on respire. » Cher Ballesteros, pour moi, pour tous, gagne ce match, le plus important de ta vie et comme au bon vieux temps, fais revivre en nous l’espoir que tout est possible. Giulio Tadiotto
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